18 janvier 2006
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Pour le juge italien Luigi Tosti, c’est quasiment devenu un rituel. Chaque matin, il se rend au tribunal de Camerino, dans la région des Marches, pénètre dans la salle d’audience, constate qu’un crucifix est toujours accroché au mur, demande en vain qu’il soit retiré et renonce alors à instruire les procès. Depuis le 9 mai, au nom de « l’égalité des citoyens » et de la laïcité de l’Etat, le magistrat de 57 ans fait grève contre la croix. Seul, menacé de sanctions par sa hiérarchie, il poursuit obstinément son combat.
« L’Italie est victime d’un débordement clérical et d’une nouvelle ingérence du Vatican, la bataille des symboles dans les lieux publics doit être menée », explique-t-il. Alors que, dans son homélie du 15 août, le pape Benoît XVI a répété « qu’il est important que Dieu soit visible dans les maisons publiques et privées, que Dieu soit présent dans la vie publique, avec la présence de croix dans les établissements publics », Luigi Tosti n’en démord pas. Voilà près de deux ans qu’il a engagé la bataille contre le crucifix. Depuis qu’un juge du tribunal de l’Aquila a donné raison à Adel Smith, un Italien converti à l’islam radical, qui avait exigé, non sans provocation, que l’école de ses enfants soit débarrassée des crucifix dans les salles de classe. A l’époque, l’affaire avait profondément divisé l’Italie.
« En octobre 2003, quelques jours après le verdict du tribunal de l’Aquila, je m’apprêtais à présider les débats lorsque des avocats me font remarquer la présence d’un crucifix dans la salle d’audience, raconte Luigi Tosti. Pendant des années, je n’y avais pas fait attention. J’ai décroché le symbole religieux et poursuivi le procès. » Mais durant une pause, le chancelier du tribunal de Camerino a remis le crucifix en place « au nom de la loi ». « En réalité, il n’existe qu’une circulaire du ministre fasciste Rocco, datant de 1926, qui indique que les crucifix doivent être exposés dans les tribunaux. Mais, comme l’a confirmé, en 2000, la Cour de cassation, cette circulaire a été invalidée par la Constitution républicaine de 1947 qui stipule que les citoyens sont égaux devant la loi sans distinction de sexe, race, langue ou religion », souligne Luigi Tosti. L’ordonnance de l’Aquila concernant le retrait des crucifix dans les écoles a ensuite été bloquée, le président du tribunal s’estimant incompétent pour juger une telle affaire.
Qu’importe, au fil des mois, le petit juge, jusqu’alors sans histoires, va multiplier les actes de protestation. Devant le refus de retirer le crucifix, il accroche au mur de la salle d’audience le logo de l’Union des athées et agnostiques rationalistes, aussitôt retiré par l’administration. Au printemps, cet homme, qui dit pudiquement « observer les fêtes juives », apporte au tribunal deux ménorahs, le chandelier juif à sept banches.
« On peut demander le retrait du crucifix dans sa salle des débats, mis vouloir l’éliminer partout est un objectif politique », estime Mario Cicala, ex-président de l’Association nationale des magistrats. Et d’ajouter avec ironie : « Je comprends le trouble du juge de Camerino, le crucifix est l’expression d’une erreur judiciaire. »
Par Eric JOZSEF, dans Libération
« L’Italie est victime d’un débordement clérical et d’une nouvelle ingérence du Vatican, la bataille des symboles dans les lieux publics doit être menée », explique-t-il. Alors que, dans son homélie du 15 août, le pape Benoît XVI a répété « qu’il est important que Dieu soit visible dans les maisons publiques et privées, que Dieu soit présent dans la vie publique, avec la présence de croix dans les établissements publics », Luigi Tosti n’en démord pas. Voilà près de deux ans qu’il a engagé la bataille contre le crucifix. Depuis qu’un juge du tribunal de l’Aquila a donné raison à Adel Smith, un Italien converti à l’islam radical, qui avait exigé, non sans provocation, que l’école de ses enfants soit débarrassée des crucifix dans les salles de classe. A l’époque, l’affaire avait profondément divisé l’Italie.
« En octobre 2003, quelques jours après le verdict du tribunal de l’Aquila, je m’apprêtais à présider les débats lorsque des avocats me font remarquer la présence d’un crucifix dans la salle d’audience, raconte Luigi Tosti. Pendant des années, je n’y avais pas fait attention. J’ai décroché le symbole religieux et poursuivi le procès. » Mais durant une pause, le chancelier du tribunal de Camerino a remis le crucifix en place « au nom de la loi ». « En réalité, il n’existe qu’une circulaire du ministre fasciste Rocco, datant de 1926, qui indique que les crucifix doivent être exposés dans les tribunaux. Mais, comme l’a confirmé, en 2000, la Cour de cassation, cette circulaire a été invalidée par la Constitution républicaine de 1947 qui stipule que les citoyens sont égaux devant la loi sans distinction de sexe, race, langue ou religion », souligne Luigi Tosti. L’ordonnance de l’Aquila concernant le retrait des crucifix dans les écoles a ensuite été bloquée, le président du tribunal s’estimant incompétent pour juger une telle affaire.
Qu’importe, au fil des mois, le petit juge, jusqu’alors sans histoires, va multiplier les actes de protestation. Devant le refus de retirer le crucifix, il accroche au mur de la salle d’audience le logo de l’Union des athées et agnostiques rationalistes, aussitôt retiré par l’administration. Au printemps, cet homme, qui dit pudiquement « observer les fêtes juives », apporte au tribunal deux ménorahs, le chandelier juif à sept banches.
« On peut demander le retrait du crucifix dans sa salle des débats, mis vouloir l’éliminer partout est un objectif politique », estime Mario Cicala, ex-président de l’Association nationale des magistrats. Et d’ajouter avec ironie : « Je comprends le trouble du juge de Camerino, le crucifix est l’expression d’une erreur judiciaire. »
Par Eric JOZSEF, dans Libération